#PORTRAITDERECRUTEUR :
Chloé – Je me sens bien ici !
Elle a 24 ans, est Parisienne, et a failli être prof de sport. Au bout de 4 ans d’études, elle se rend compte qu’elle a envie de faire autre chose de sa vie. Elle enchaîne plusieurs petits boulots dont vendeuse dans un magasin de chaussures sur la Place de la Nation. Où elle s’ennuie ferme… jusqu’au jour où elle croise un Recruteur de Donateurs devant sa boutique un jour de janvier 2017…
Comment es-tu arrivée chez Cauzaf ?
Totalement par hasard ! Un jour, j’ai vu un Recruteur de Donateurs devant le magasin. Il faisait super froid et je lui ai proposé de venir prendre un café. Il m’a parlé de son boulot et de Cause à Effet. Je pensais que c’étaient des bénévoles que je voyais régulièrement à la sortie des stations de métro. Je ne savais pas qu’on pouvait gagner sa vie en faisant ça !
J’étais dans une période de transition et l’idée de défendre des associations, d’aller parler à des gens, d’avoir une autre expérience professionnelle, ça m’a donné envie. Je me suis dit aussi que comme c’étaient des missions courtes, je pouvais essayer et voir ce que ça donnerait.
J’ai postulé tout de suite et démissionné de mon poste de vendeuse avant même de passer un entretien chez Cauzaf !
Raconte-nous ta 1ère mission.
Ma première mission, j’étais toute excitée de commencer et j’avais aussi un peu d’appréhension, comme tout le monde je pense. On se demande toujours « est-ce que je vais y arriver ? ».
Et au final, dès ma première heure de rue, je me suis dit « mais oui, je veux faire ce travail, c’est vraiment trop chouette ! ». J’ai tout donné pour être gardée pendant la période d’essai. Malheureusement, à ma grande déception, ça n’a pas fonctionné comme je le pensais. Et mon Responsable d’Equipe m’a arrêtée. J’étais trop trop déçue !
Mais je ne me suis pas démontée parce que j’avais vraiment très envie de faire ce travail. J’ai donc re-postulé tout de suite après et j’y suis allée au culot ! On m’a donné une deuxième chance et je savais que je n’avais pas le droit à l’erreur cette fois. Il fallait vraiment que je prouve que Cauzaf ne s’était pas trompé… Ce que je pense avoir réussi puisque j’ai terminé chipleader de la mission.
Tu as beaucoup bossé à Paris (5 missions). Parle-nous de la Ville Lumières.
Bosser à Paris, c’est très formateur parce qu’il y a beaucoup de flux, des personnes qui viennent d’horizons différents. En fonction des quartiers, les gens qu’on croisent ne sont pas du tout les mêmes. Y’a vraiment un grand panel de la société dans laquelle on vit.
En tant que Parisienne, j’ai aussi découvert des coins de ma ville que je ne connaissais pas. Et j’ai même découvert des banlieues, alors que je ne traversais jamais le périph’ avant (rires) !
C’est vraiment une bonne expérience pour se former !
Tu as aussi fait 4 itinérantes à nos côtés. Tu veux nous en parler ?
Ah les itis ! C’est vraiment mon programme préféré, c’est incroyable !
Tu découvres des petites villes dans lesquelles tu ne serais jamais allé.e de toute ta vie et des villes vraiment sympas, comme Tourcoing, St-Omer, Tartas, Landerneau, Concarneau, Nîmes… Moi qui pars toujours en vacances à l’étranger, ça m’a permis de mieux connaître mon pays. Et de faire des rencontres que je n’aurais jamais fait sans ce travail.
La vie d’équipe en iti, c’est magique. Y’a une énorme cohésion entre nous. On n’est pas seulement collègues, on vit aussi ensemble pendant 6 semaines. Donc ça resserre énormément les liens. On apprend à vraiment bien se connaître.
Et tu dois aussi gérer des choses moins faciles, comme les courses ou le ménage. Faut apprendre à faire des concessions, à vivre ensemble. Il peut arriver qu’il y ait des tensions parce qu’on n’a pas tous la même notion de la propreté ou du respect ou les mêmes limites. L’important, c’est de réussir à en parler. Pour régler tout ça calmement.
Les qualités qu’il faut avoir pour aller en iti ? Il faut aimer vivre avec des gens. C’est compliqué de vivre en ermite, d’être enfermé dans sa chambre. Il faut être tolérant, avoir envie de participer aux tâches collectives, et être capable de gérer ses frustrations.
Ce que j’aime aussi en iti personnellement, c’est que ça me permet de me couper un peu du monde, ça me fait du bien, ça me permet de me ressourcer.
Ma recette fétiche ? des pâtes à l’arrabiata !
Tu es partie fin décembre 2017 puis est revenue en octobre 2018. T’as fait quoi entre- temps ?
A un moment, j’ai eu envie de changer d’air, de voyager alors je suis partie vivre sur l’île de la Réunion avec mon sac à dos et juste un billet aller.
J’ai travaillé là-bas en tant que Recruteuse de Donateurs. Au début j’avais beaucoup d’appréhension parce qu’ une grande partie de la population ne parle que créole. Il m’a donc bien fallu 2-3 semaines pour prendre mes marques et après j’ai adoré bosser là-bas. Le cadre est plutôt sympa avec le soleil, les cocotiers, la mer ! (rires)
Au bout de 6 mois ma famille me manquait et je suis rentrée. Quand j’ai eu besoin de retravailler, j’ai tout de suite pensé à Cauzaf parce que j’adore toujours ce travail et que j’avais envie de retrouver mes copains et copines.
Je ne vous cache pas que le retour a été un peu dur parce qu’à Paris les gens sont beaucoup moins chaleureux qu’à la Réunion ! Mais quoi qu’il arrive dans ce boulot, faut pas lâcher et être persévérant.e. Et je suis donc allée jusqu’au bout de ma mission !
J’ai pu repartir rapidement en iti donc ça m’a aidé parce que j’attendais ça avec impatience ! En plus, c’était un peu particulier parce que c’était une iti de 3 semaines, je savais que ça allait être super intense ! Ça m’a donné le coup de boost donc j’avais besoin !
Au bout de 9 missions à nos côtés, qu’est-ce qui te donne envie de te lever tous les matins ?
Chaque journée est différente. Je suis quelqu’un qui me lasse très vite, et qui n’aime pas la routine. Dans ce boulot, tu ne peux pas te lasser : les équipes, les associations pour lesquelles tu travailles, les personnes que tu rencontres, les villes sont différentes. Tu ne sais jamais ce qui va t’arriver.
C’est aussi de véhiculer des valeurs qui me tiennent à cœur, donner l’opportunité à des gens de soutenir des associations, d’être le premier maillon de la chaîne.
Comment tu gères l’échec, les frustrations, la fatigue, l’indifférence des gens ?
Ça dépend vraiment de l’état d’esprit dans lequel toi-même tu es. Il y a des jours où chaque refus, chaque mauvaise parole va t’impacter profondément. Comme si tu laissais un bout de toi sur le trottoir en repartant. Emotionnellement et psychologiquement c’est difficile parce que tu donnes beaucoup de toi dans ce métier.
Et d’autres fois, ça ne te fait rien, tout glisse. Ma mère me dit souvent de mettre ma cape imperméable J
Le plus dur pour moi c’est l’indifférence des gens. C’est ce qui me touche le plus dans ce travail. Surtout quand c’est pour une association qui me tient particulièrement à cœur comme Amnesty. J’essaye de travailler dessus mais ce n’est pas évident. Les gens qui ne te répondent pas, qui ne te regardent pas ou pire te regardent de haut… j’ai envie de leur dire que je suis aussi un être humain comme eux. Si t’as pas le temps, pas de souci, mais un petit sourire, ça fait du bien !
Il faut réussir à mettre cette distance et être tolérant. Il faut accepter que les autres aient un avis différent du tien, n’aient pas les mêmes valeurs ou les mêmes priorités que toi. On n’est pas là pour faire changer d’avis les gens.
Le plus important dans une équipe c’est quoi ?
La cohésion ! La bienveillance les uns envers les autres. Se laisser de la place aussi : même si chacun a sa journée à faire, c’est important de respecter ses collègues, d’être équitable.
Etre là les uns pour les autres. Combien de fois un collègue est venu me voir pour me redonner de l’énergie, et vice-versa.
Le/la Responsable d’Equipe a un rôle très important à jouer pour que la mayonnaise prenne vite entre les membres de l’équipe.
Qu’est-ce que ce métier t’as appris ? Sur toi, sur les autres ?
Oulala tellement de choses ! (rires)
Déjà ça m’a appris à me canaliser : j’étais quelqu’un de très nerveuse, très impulsive et j’ai appris à prendre sur moi, à transformer mon énervement en quelque chose de positif.
Chaque jour est un challenge et tu vas chercher en toi des ressources que tu ignorais.
Ça m’a redonné foi en l’humanité ! On rencontre plein de gens sensibles aux valeurs des associations. Même si la personne ne donne pas à l’association que tu représentes quand tu la croises, elle peut déjà soutenir une autre association. Finalement, je trouve que les Français dans l’ensemble sont sensibles aux associations. T’arrêtes d’avoir des préjugés sur les gens en fonction de comment ils sont habillés ou de la tête qu’ils font. Quand tu discutes avec quelqu’un, tu rentres dans sa vie, son histoire, tu vois quelle personne elle est. J’ai rencontré des gens qui font chaque jour des choses exceptionnelles.
Quel a été le rôle de chacun de tes Responsables d’Equipe (RE) dans ton évolution ?
Chaque Responsable d’Equipe est différent et a sa manière de fonctionner. Il faut apprendre à se connaître, à se comprendre mutuellement pour bien travailler ensemble.
Chacun des Responsables d’Equipe avec qui j’ai travaillé m’a accompagné dans ma démarche d’évolution, en me faisant progresser sur la gestion des difficultés, sur mon âge moyen et sur mon don moyen.
Tu es Recruteuse de Donateurs Expérimentée (RDE). Qu’est-ce que ça signifie pour toi ?
C’est vraiment une forme de valorisation, ça veut dire que ton travail tu sais le faire et bien. C’est une vraie récompense !
J’ai mis du temps à avoir ce statut et j’en suis très heureuse. Aujourd’hui, ça me permet de garder le cap. Je sais que j’ai des responsabilités donc je ne peux pas me permettre d’avoir des coups de mou ou de travailler moins bien. Si on m’a valorisé et que j’ai ce statut, il faut que je montre que je le mérite et que je suis capable de le garder.
Qu’est-ce qui te plaît dans ce travail ?
C’est un boulot qui me ressemble parce que je ne suis pas quelqu’un de conventionnel. Depuis toute petite je savais que je ne voulais pas finir dans un bureau. J’aime voyager, rencontrer des nouvelles personnes, faire quelque chose de différent chaque jour donc c’est un métier qui me correspond.
J’aime travailler dehors, même quand il fait froid, plutôt que d’être enfermée dans un bureau.
Avec le format de missions (5 ou 6 semaines), tu peux faire des pauses quand t’as envie, ça te permet de vivre ta vie comme tu l’entends et au jour le jour.
Ce qui fait aussi la différence avec un métier plus traditionnel c’est que tu noues des relations humaines aussi avec tes supérieurs hiérarchiques. Ce sont des gens normaux, comme toi et au-delà du cadre du travail, tu peux rencontrer les vraies personnes. Et c’est ce qui fait qu’on se sent bien chez Cauzaf.
Ta plus belle rencontre ?
Y’en a des milliers… des fous rires à se donner mal au ventre… des émotions…
Sur ma première itinérante en Bretagne, j’ai rencontré un couple de personnes âgées qui m’a raconté ce qu’il faisait pour des migrants qui vivaient dans un camp pas loin de chez eux. Ils m’ont parlé des conditions de vie des migrants. C’était une rencontre exceptionnelle, qui m’a bouleversé parce que c’étaient des citoyens lambdas et tu te demandes ce qui leur a donné envie d’aider comme ça, alors qu’en plus leur fils est militaire et qu’il est intervenu dans ce camp pour expulser des migrants… On a fini en larmes, à se serrer dans nos bras et on a même fait un selfie ensemble !
Sur une autre mission itinérante, j’ai rencontré un jeune homme qui venait d’arriver de Guinée, je lui parle d’Amnesty etc. et au fur et à mesure de la conversation, je me rends compte qu’il vient d’arriver en France, qu’il n’a pas de papiers, pas de logement… Son histoire me touche tellement que j’ai décidé de personnellement l’aider. On est resté en contact pendant que j’étais à la Réunion. Je l’ai aidé à distance pour ses démarches pour qu’il soit pris en charge. On a tissé un lien assez incroyable et aujourd’hui c’est mon ami.
Voilà, c’est des gens que je n’aurais jamais rencontré sans ce travail…
Cause à Effet en un mot ?
Les copains
Ce métier en un mot ?
Découverte !